Jeudi soir, 3,8 millions de téléspectateurs ont regardé le premier débat de la primaire de la Belle Alliance Populaire. Ce score, s’il n’est pas catastrophique, montre bien que l’appétence pour la primaire de la gauche est bien moindre que pour la primaire de la droite. En effet, le premier débat qui opposait les sept candidats avait réuni, sur la même chaîne, près de deux millions de téléspectateurs supplémentaires. Qualitativement parlant, ce débat s’est également montré décevant.
La durée des réponses de chaque candidat a été portée à 1 minute 30, un temps plutôt long qui n’a pas été respecté. Les candidats se sont tous lancés dans des tirades interminables, sur des sujets plutôt complexes comme la fiscalité. L’inégalité du temps de parole entre les “petits” candidats et les favoris, dénoncée par Jean-Luc Bennahmias, s’est accentuée tout au long de la soirée. Ainsi, la seule femme candidate, Sylvia Pinel, a parlé plus de deux minutes de moins que Manuel Valls. Grande classe… Résultat, le débat a semblé interminable, l’interaction entre les candidats presque inexistante. Dans le détail, voici notre avis sur la prestation des candidats :
Jean-Luc Bennahmias: Le J-F Copé de la primaire de gauche : on ne sait pas pourquoi il est là, mais il anime le débat. On pouvait néanmoins se passer de son C.V décliné en direct, et de son agressivité envers les journalistes, d’autant plus que ces derniers semblaient mieux connaître son programme que lui-même. Seul point positif : il a vu sa notoriété exploser.
François De Rugy: La révélation du débat. Il est apparu stressé et quelque peu scolaire au début du débat, mais s’est affirmé au cours de la soirée, n’hésitant pas à marquer ses différences. Il a tenu tête aux journalistes sur les déserts médicaux et avait plutôt raison. Son ton polémique et son sérieux l’ont rendu crédible aux yeux de l’opinion.
Benoît Hamon: L’enjeu pour le candidat le plus à gauche de la primaire était de paraître présidentiable. Pari réussi pour celui qui monte dans les sondages. S’il n’a pas brillé durant le débat, Benoît Hamon est parvenu à se sortir d’une séquence compliquée à propos du revenu universel où (presque) tous les candidats étaient contre lui. Son attaque contre la loi travail de Myriam El Khomri fait déjà beaucoup parler.
Arnaud Montebourg: Le candidat est resté très prudent, évitant les attaques contre ses concurrents. Le statut de possible gagnant de la primaire le force à être plus réservé qu’en 2012. Cependant, cette stratégie, adoptée par Alain Juppé pendant la primaire de la droite n’est pas forcément concluante : A. Montebourg s’est montré presque transparent et a enchaîné les erreurs, notamment sur l’économie alors même qu’il en était ministre il y a peu…
Vincent Peillon: Le professeur est apparu la mine grave, distant, (oubliant même de dire bonjour). Sur la fiscalité, son discours était trop préparé et difficilement compréhensible. Il est regrettable que l’ancien ministre de l’Education n’ait pas répondu aux questions, se contentant de dérouler son programme et d’insister sur sa volonté de rassemblement. Plus grave encore, son positionnement politique est brouillé : il se veut le successeur de François Hollande tout en critiquant son discours. Il fut meilleur sur la dernière partie du débat concernant la crise démocratique. Notons que ni les journalistes, ni les autres candidats n’ont relevé son expression “d’origine musulmane”. Cette maladresse pourrait le priver de quelques voix.
Sylvia Pinel: La seule candidate de la primaire s’est montrée inexistante, incapable de répondre précisément aux questions. Elle semblait murmurer, sans doute très stressée. Sa défense du bilan de François Hollande pose la question du sens de sa candidature, alors même que Manuel Valls est candidat. Espérons qu’elle saura être plus convaincante lors du prochain débat, dimanche soir.
Manuel Valls: L’ex-premier ministre s’est, d’emblée, placé comme le candidat le mieux placé pour affronter François Filllon et Marine Le Pen. Il est parvenu à renforcer sa stature présidentielle : “je veux gagner, je vais être Président de la République” a-t-il déclaré. Son envolée lyrique sur le terrorisme peut lui apporter des voix, d’autant qu’il n’a pas été aussi attaqué par ses adversaires que l’on pouvait l’imaginer. Il lui faudra néanmoins se montrer moins tendu durant les prochains débats.
Manuel Valls et Benoît Hamon ressortent comme étant les gagnants d’un débat peu instructif. Sylvia Pinel, Jean-Luc Bennahmias et, dans une moindre mesure, Vincent Peillon, n’ont pas brillé. Quant aux modérateurs, on regrette leur incapacité à maîtriser le temps de parole des candidats et à dynamiser un débat trop long. Seule Elizabeth Martichoux a osé être pugnace face aux candidats et leurs erreurs. Le terme de débat n’était sans doute pas adapté pour cette soirée qu’il convient de qualifier de “discussion” tout au plus.
Sofiane Aklouf