La primaire de la droite est l’occasion de découvrir les nouveaux visages du paysage politique. Geoffroy Didier n’est pas un jeunot de la politique. Il a travaillé au cabinet du ministère de l’Intérieur. Aujourd’hui, il est vice-président de la région Île-de-France. Mais, il le dit lui-même, « comme eux ont tous gouverné, ils n’osent plus rien dire, de peur d’être renvoyés à leurs bilans. » Vérité Politique a rencontré ce candidat qui « assume » ses positions.
Selon moi, l’économie ne se programme pas. L’économie est vivante. J’ai donc voulu constituer avec un groupe d’économistes, de hauts fonctionnaires, de chefs d’entreprise, ce qui pour moi constitue une véritable option politique, un projet économique et une alternative à ce que proposent les autres candidats à la primaire de la droite.
La gauche a préféré, depuis l’élection de François Hollande, s’enfermer dans l’escalade fiscale. Ce qui pour moi est une forme d’austérité. Aujourd’hui, à droite, à l’occasion de la primaire, il existe un débat, tant mieux. Faisons en sorte que la droite ne se réfugie pas dans une nouvelle forme d’austérité par des coupes budgétaires drastiques, insensées et infinies.
Il serait illusoire d’espérer relancer la croissance par ces coupes massives drastiques et vertigineuses. Qu’il faille rationaliser les dépenses publiques je suis totalement d’accord avec cette ligne là.
« Il faut aller chercher la croissance »
Il y a eu des efforts faits depuis 2012, que je salue parce que je ne suis pas sectaire, et je l’assume. Il y a eu le crédit d’impôt compétitivité qui va dans la bonne direction. Le problème c’est qu’il est inutilement compliqué et concentré sur les emplois les moins qualifiants. Ce que je propose c’est de transformer cette baisse des charges en une baisse des charges définitive stable, simplifiée. Mais aussi étendue aux emplois qui sont les plus qualifiés dans les services, dans la technologie, c’est-à-dire dans des emplois qui sont plus susceptibles de créer des richesses.
Ce que je propose aussi c’est un plan d’investissement structurant dans l’économie française. Nous le faisons aujourd’hui en Île-de-France, dans la région dans laquelle je suis vice-président, avec Valérie Pécresse. Nous investissons dans des infrastructures en sport, numérique, construction, à la rénovation de l’Elysée … des lycées. Désolé c’était un lapsus (rires) !
Il va aussi falloir qu’on développe les partenariats public privé (PPP) ça existe déjà aujourd’hui en France. Il faut que les responsables politiques, qui ne connaissent en général rien au secteur privé, à commencer par François Hollande et Manuel Valls, comprennent aussi que la sphère publique et la sphère privée peuvent travailler intelligemment ensemble.
Vérité Politique : Justement, vous avez vous-même accumulez des fonctions au service de l’Etat, est-ce que vous ne voyez pas dans votre parcours professionnel un éloignement du secteur privé ?
Je ne crois pas. Justement, je continue d’exercer mon métier d’avocat. Je pense que c’est la combinaison des deux qui me différencie des autres candidats. Quand je parle de professionnalisation de la vie politique, je parle de ceux qui ne font que de la politique. Et je pense que c’est malsain de ne vivre que de la vie politique. Si les hommes politiques sont aujourd’hui déphasés c’est parce qu’ils vivent entre eux.
« Il faut rationnaliser les dépenses publiques »
J’estime qu’il faut assumer que la dépense publique aille vers de nouvelles priorités. On a un budget fondamental, une priorité nationale, c’est de protéger les Français. La première mission d’un Etat c’est de garantir la tranquillité de chacun de nos concitoyens. La droite a eu tort de diminuer le nombre de policiers et de gendarmes. On est aujourd’hui dans une période où la menace se diversifie, se pérennise. Nous avons des services de polices, de gendarmerie, d’autorité judiciaire qui manquent cruellement de moyens. Nous assistons à une paupérisation des services fondamentaux de l’Etat qui est scandaleuse.
Je compte m’y attaquer en assumant de réinjecter de l’argent public dans la mission fondamentale qui est la protection de nos concitoyens en embauchant de nouveaux policiers et de gendarmes. J’exerce mon métier d’avocat je peux vous dire que les services de la justice aujourd’hui sont dans un état déplorable.
Vérité Politique : N’est-ce pas là aussi une politique réactionnaire au climat actuel en France ?
Non, c’est de l’anticipation. C’est bien parce que nous n’avons pas été assez prévoyants en matière de sécurité que l’on en est là. Nous avons laissé filer les budgets de la Défense. La protection d’un Etat, elle n’est bien sûr jamais absolue, mais elle est le fruit de moyens que l’on met ou ne met pas. J’estime que ce qui s’est passé en France, ce n’est pas le fruit du hasard. C’est le fruit d’un choix politique.
En revanche, il faut parallèlement essayer de faire des économies en rationalisant les dépenses publiques. Et donc il faut réorienter l’action publique.
Il faut regrouper toutes les petites agences mais ça, ça fait 15 ans qu’on nous le dit mais personne n’a eu le courage de s’y attaquer. Il y a des corporatismes. Ils sont tous copains et ils se protègent tous quitte à ce que l’action véritable soit totalement inerte. Chaque contribuable met au pot sans que l’Etat ne se soucie de l’efficacité de sa propre action. Nous avons commencé avec Valérie Pécresse en Île-de-France à mettre fin à cette gabegie indécente, après 17 ans de socialisme. Ce que nous faisons à la région, nous pouvons le faire aussi au niveau de l’Etat.
« Il est fondamental de libérer l’épargne privée »
Aujourd’hui le capital il est imposé non pas une, non pas deux mais trois fois, nous sommes le seul pays au monde dont le capital est fiscalisé trois fois
En réalité ce ne sont pas forcément ceux qui ont les plus gros salaires qui partent. C’est absurde, c’est contre-productif, donc moi ce que je propose c’est un prélèvement sur le capital unique et forfaitaire de 30% c’est plus simple, c’est plus stable, c’est plus sain.
Aujourd’hui avec l’augmentation de l’espérance de vie souvent on hérite de ses parents à 50-60 ans. Quand on a déjà construit sa vie alors que ce qui est important c’est qu’on puisse faciliter non pas la succession mais qu’on libère les donations. Les donations faites par les parents du vivant de leurs enfants au moment où ces enfants ont besoin qu’on leur mette le pied à l’étrier. Ce que je propose c’est une mesure transitoire très incitative qui va permettre de libérer de l’épargne. Cette proposition c’est l’exonération totale des droits de donation pendant deux ans, et sera réinjecter quasi immédiatement dans l’économie française.
« Ma boussole c’est le mérite »
Concernant les dépenses d’assistance, je souhaite qu’elles soient priorisées vers un objectif qui pour moi est fondamental : la lutte contre la très grande pauvreté. Plutôt que de collectionner les allocations dans tous les sens, j’aimerais qu’on assume de concentrer notre solidarité déjà dans l’extrême pauvreté. Après on aidera ceux qu’on peut avec l’argent qui reste. Je suis donc favorable à geler toutes les allocations sauf celles qui sont liées à l’extrême précarité. C’est-à-dire le minimum vieillesse et l’allocation adulte handicapé.
Toujours dans une volonté de justice il faut adopter une règle simple : l’ensemble des allocations sociales, tout compris, n’excède jamais 75% du SMIC. Pourquoi ? Parce que le travail doit toujours être mieux payé que l’inactivité. il y a dans les gens qui recherchent un emploi, ceux qui considèrent Pôle Emploi comme une aire de repos. Ceux-là ne doivent pas se dire qu’en profitant des allocations sociales, en tirant un peu dans tous les guichets, ils n’ont pas intérêt à travailler parce qu’ils gagnent plus qu’en travaillant. Je propose que les allocations chômage soient dégressives uniquement pour ceux qui refusent un emploi ou une formation. Mais pour ceux qui recherchent un emploi et qui ont du mal, j’estime que l’Etat doit pouvoir continuer à les aider dans cette période difficile pour eux. La solidarité de l’Etat peut être utile. Pour être utile elle doit se concentrer sur ceux qui le méritent.
Moi, les 35 heures j’estime que c’était la meilleure loi du XIX° siècle. C’est-à-dire que c’était la survireuse de la pointeuse dans les usines. On n’en est plus là. Moi je suis incapable de vous dire combien d’heures je travaille. Vous non plus d’ailleurs. Je ne dis pas qu’il faut que l’employeur impose à l’employé de répondre à 11 heures du soir sur son smartphone. Il faut que chaque personne trouve son équilibre. Mais il faut admettre que le monde a changé. Je suis favorable à une liberté de choix dans son temps de travail qui doit être fixé entre l’employeur et l’employé au sein de l’entreprise et non pas imposé par des conventions syndicales qui sont là bien souvent pour protéger leurs intérêts.
Entretien réalisé par Camille Evangelista et Antoine Desachy